Les Alternatifs Isère

Interventions au Conseil municipal spécial J.O.

lundi 13 octobre 2008

Les interventions du groupe "Ecologie et solidarités en actes" (dont font partie les Alternatifs) lors du Conseil municipal extraordinaire de Grenoble concernant les Jeux Olympiques.

Le groupe des élu-e-s Verts, ADES, Alternatifs est le seul groupe du conseil municipal de Grenoble ayant voté contre les Jeux Olympiques en l’état. L’ensemble des autres groupes, du Parti communiste à l’UMP ont voté pour le projet du Maire Michel Destot.

Intervention de Gwendoline Delbos-Corfield

Pour le groupe Ecologie & Solidarité – EluEs Verts, ADES, Alternatifs, l’idée de créer un événement fédérateur et durable est très séduisante. Cette candidature aux Jeux Olympiques pourrait provoquer de l’enthousiasme parce qu’elle apparaîtrait comme une aventure collective proposée aux Grenoblois, fédératrice et festive.

Mais faut-il attendre 10 ans pour faire la fête et réunir les Grenoblois et cela à des coûts faramineux ? Il existe des fêtes annuelles populaires dans beaucoup de villes du sud, et des événements festifs pour tous au Nord, comme la Brocante de Lille. Cela ne demande pas tant d’investissement, tous les habitants peuvent être partie prenante, et il n’y a pas besoin de payer pour sa candidature, ni d’attendre le résultat d’un concours de lobbying. Dès demain, nous pourrions avoir le plaisir de créer cette fête. Et surtout, elle serait sans aucun doute durable, puisqu’on pourrait la reproduire chaque année...

Mais l’unique délibération qui est soumise au vote lors de ce Conseil Municipal ne nous propose pas une fête durable, elle nous propose de candidater pour le lointain 2018 auprès d’un organisme international qui prendra des années à répondre mais qu’il faudra financer pendant tout ce temps-là....

Ce n’est pas aussi simple que ce que vous le présentez ce vote sur les Jeux Olympiques. Nous voilà ce soir tous réunis, en urgence, dans un conseil municipal annoncé il y a deux semaines et organisé en quelques jours. Déplacé de manière extraordinaire, dans des circonstances médiatiques fortes, pour que la population soit le plus largement conviée. On notera quand même que "le monde", la jeunesse et la mixité culturelle manquent un peu dans cette salle, ce soir. Et pourtant, on en a beaucoup parlé de la jeunesse à la tribune. L’intention, en revanche, était intéressante et nous espérons qu’il ne s’agira pas d’un cas d’exception... Pourquoi ne peut-on pas répéter la même procédure pour le vote du budget, par exemple ? Voilà aussi un moment de démocratie cruciale : les choix financiers d’une ville pour toute une année. Nous nous interrogeons aussi sur le choix des intervenants, uniquement des supporters de la candidature. Pourquoi ne pas avoir invité des associations environnementalistes ? Tout a été fait donc pour créer les conditions d’un conseil d’exception : retransmission en direct, mise en scène par les pupitres, théâtralisation du lieu. Est-ce que ce sont réellement là les conditions d’un débat démocratique serein ?

Ce n’est pas aussi simple que ce que vous l’imaginez ce vote parce que nous n’avons pas d’informations pour délibérer. Ni de budget, ni de dossiers sur les équipements et sites olympiques : il n’existerait quasiment pas de document officiel écrit. A nos demandes, le Maire nous répond qu’il ne peut transmettre d’information que de manière orale. Avec comme argument, la peur de l’espionnage entre collectivités : d’autres villes candidates pourraient voler les idées grenobloises. Pourtant Gap et Annecy ont délibéré dès 2006, et toute l’Allemagne connaît la candidature de Munich et les conditions qui l’accompagnent, quand nous sommes seulement en octobre 2008 en train de se pencher sur la question dans la plus grande précipitation. Munich annonce sans masques qu’ils ont un budget de 35 millions d’€ pour cette candidature. Mais, à Grenoble, la stratégie du secret nous empêche d’avoir un débat démocratique transparent. A quel budget se fier ? D’un côté, on trouve le chiffre de 24 millions d’€ à se répartir entre les 4 collectivités (Ville, Métro, Conseil général, Région) et de l’autre, le Maire vient de parler d’un possible 20 millions d’€ avec la moitié venant peut-être du privé. C’est inquiétant ce flou sur l’argent dépensé...

Et puis, ce n’est pas simple, quand même, de parler ainsi de sommes faramineuses d’argent public distribué à l’heure d’une crise financière grave. Les Jeux Olympiques sont-ils la priorité pour les habitants ? En juilllet 2005, suite à un sondage que la Ville avait commandé, les Grenoblois étaient 24% à être défavorables à la candidature. Aujourd’hui, s’il savaient les sommes financières énormes en jeu, et vu la baisse du niveau de vie, le nombre d’opposant n’augmenterait-il pas ? Aux yeux des Grenoblois, cette candidature est-elle vraiment crédible ? Il n’y a pas eu de débat public sur le sujet. Le problème pour les Grenoblois, et dès cette année, c’est que la candidature elle-même coûte beaucoup d’argent. De l’argent qui sera perdu pour tous si nous ne gagnons pas. PyeongChang, en Corée, est la ville grande favorite. Munich est très bien placée. Sur les 30 villes mondiales qui seront sélectionnées, quels sont sérieusement les chances de Grenoble ? Mais en attendant le rejet du CIO en 2011, au moins 20 millions d’€ auront été dépensés en fastes, lobbying et cérémonial. Ce n’est pas l’usage que nous préférons pour les impôts locaux.

Prenons maintenant la question de l’environnement, cette candidature est présentée comme ayant les atouts du développement durable. C’est ce qui la rendrait différente et nous permettrait peut-être de gagner. Comment comprendre, encore une fois, votre utilisation de l’étiquette « développement durable » ? Avec ce concept marketing global, le développement durable, tout est dit. Sauf que… Sauf que la même semaine de la publicité de cette candidature, une conférence de presse Chambre de Commerce et d’Industrie Pro-JO explique que « les JO, c’est bon pour le BTP et les infrastructures routières ». Il semblerait que les partenaires très privilégiés de cette opération n’aient pas bien compris la stratégie de communication à propos de la priorité donnée à l’environnement. Soyons clairs : permettre l’aboutissement de la rocade Nord, l’élargissement de l’A480, l’augmentation des capacités d’un aéroport, voilà ce qui est espéré derrière cette candidature. Les documents de campagne le disaient, le dossier de presse en automne 2006 en faisait déjà état, le partenariat avec la Chambre de Commerce et d’Industrie le confirme et la présence de son président, pour la première fois, devant le Conseil Municipal –lui-même l’a dit- nous le rappelle. Ces Jeux Olympiques hypothétiques pourraient être un accélérateur pour de telles infrastructures. Des actions en développement durable donc, mais tendance béton et pollution !

Par ailleurs, jetons un premier coup d’œil aux premiers frais engagés par cette candidature : 1, 8 millions d’€ pour de la neige artificielle fabriquée dans le parc Paul Mistral début décembre pour cette fameuse "fête de la Neige". Et on explique, devant les caméras, que si la chaleur est trop élevée quand se produira l’événement, « on avisera... ». Et bien donc, vous aviserez, tout en gaspillant allègrement de l’eau et de l’énergie et en donnant surtout une image dégradée des Jeux qui priment sur les considérations environnementales. Comment croire alors à une vraie démarche de développement durable pour cette candidature ? Les associations environnementales, pas dupes, espéraient cet été qu’au moins les Jeux seraient le moins nuisibles possible. Mais les voilà maintenant convaincus que les promesses de responsabilité et d’écologie ne peuvent pas tenir face au rouleau compresseur d’un événement tel que les JO. Neige artificielle en décembre, publicité et lobbying intensif tout au long de l’automne, voilà évidemment des choix financiers synonymes de développement durable.

Oui mais, oui mais certains pensent que la candidature aux Jeux Olympiques donnerait une bonne image à Grenoble et aux montagnes environnantes. Et vous êtes nombreux à nous le dire ce soir, beaucoup d’hommes d’ailleurs… Retombées économiques, prestige, construction de stations. Pas si sûr. La fréquentation touristique des Alpes et de l’Isère est en baisse. Les enquêtes montrent que si les Alpes ont perdu de leur attrait, c’est que les touristes recherchent avant tout une nature « authentique », en décalage avec les grosses infrastructures et la neige artificielle. Cette promotion des Jeux Olympiques confortera cette image d’un mode de développement en montagne tourné uniquement vers les infrastructures bétonnées et l’urbanisation. Cette candidature qui commence avec de la neige artificielle risque donc, au contraire, de dégrader encore l’image des Alpes. Et pourtant, nous vivons dans des espaces naturels contraints et fragiles.

Alors, pour finir, rappelons que le réchauffement climatique est deux fois plus rapide dans les Alpes qu’ailleurs. Pour notre groupe, cette question n’est pas anodine, elle impose une nouvelle réflexion sur l’avenir de nos villes. La dernière carte du GIEC - Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat- indique que les Alpes seront très touchées à court terme par le réchauffement. Si on prend en compte réellement ces bouleversements inéluctables que vont subir les générations présentes et les générations futures, alors les collectivités et les politiques doivent revoir leurs priorités. Cette candidature de la neige artificielle et du béton est décevante. C’est pourquoi, nous demandons qu’un débat démocratique public soit organisé. On nous a redit ce soir que tous, absolument tous les Grenoblois étaient partant pour ce projet… Et si on le leur demandait ? Ce débat doit se faire avec des informations précises et des budgets transparents. Les Grenoblois doivent connaître le montant de l’argent public engagé pour les 3 prochaines années, simplement pour la candidature. Tant de choses pourraient être faites, avec tout cet argent, pour le sport et la montagne : créer des pôles scolaires sur les sports et les métiers de la montagne, faciliter par des coûts abordables l’accès à la montagne, et pourquoi pas, je le disais en introduction, créer un grand événement populaire chaque année.... et pas une seule fois en 2018…

Merci

Intervention d’Hakim Sabri

Le groupe Ecologie & Solidarité souhaite revenir aux questions qui sont posées à notre Conseil Municipal de ce soir :
- décider de déposer auprès du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) la candidature de la Ville de Grenoble pour l’organisation des Jeux Olympiques et paralympiques de 2018.
- autoriser le Maire à engager toute démarche relative à ce dépôt de candidature.

Avons-nous les éléments pour nous prononcer en toute connaissance de cause sur ces deux points ? Non ! Je le dis clairement : non.

Nous n’avons aucun dossier de présentation de la candidature. Par contre, nous avons subi une propagande et une litanie de promesses tellement excessives qu’elles devraient nous inciter tous à la plus grande prudence.

Il y aurait beaucoup à dire sur ces Jeux Olympiques, à commencer par l’opacité du Comité International Olympique (CIO), association à but non lucratif dont tout le monde sait qu’il est devenu une multinationale richissime, qui agit en dehors de tout contrôle extérieur. Fonctionnement anti-démocratique et scandales de corruption sont ses plus grandes réputations. Salt Lake City en 2002 aura déboursé des millions en cadeaux. Salzbourg était favorite pour 2014 mais le CIO a finalement opté pour Sotchi en Russie après des promesses de gros sous. Ces informations ont été diffusées par France Inter en Août 2008. Passons aussi sur le dopage et ses répercussions sur les sportifs car nous ne souhaitons pas en faire l’essentiel de cette intervention.

Mais, dans ce contexte, on aimerait la clarté, une clarté sans équivoque, sur les budgets anticipés par Grenoble.

Monsieur le Maire nous explique qu’une telle opération permettrait d’accélérer les investissements et de faire en 6 ans ce que nous aurions mis 30 ans à réaliser. Soit, en 5 fois moins de temps. Mais à quel prix ? et qui va payer ? Sur ces questions, aucune réponse, aucun document.

Des chiffres circulent sur le coût de la candidature : 24 millions d’€, peut-être 20… Seuls les initiés savent comment cela va être financé. Faudra t-il pour cela augmenter les impôts ? ou sacrifier des dépenses utiles ? Nous ne le savons pas.

Déposer une candidature c’est vouloir gagner et donc se préparer à organiser les Jeux Olympiques. Les sommes à engager changent alors d’échelle. On le devine, en examinant les budgets des Jeux d’hiver précédents ou en préparation (comme Vancouver 2010). Il s’agira d’investir des centaines de millions d’€ d’argent public.

Contrairement aux discours rassurants de Monsieur le Maire ou du Conservatoire, Observatoire, Laboratoire des Jeux Olympiques de Grenoble (COJLOG), les Jeux de 68 ont été très durement ressentis financièrement par les habitants. Et ceci devrait plutôt nous inquiéter que nous rassurer.

Des contrevérités historiques sont actuellement colportées sur le fait que la fiscalité locale n’aurait pas violemment augmenté suite aux Jeux Olympiques de 68. Il suffit de relire des ouvrages qui traitent de cette période de la vie de Grenoble pour savoir plus précisément ce qui c’est passé…

Jean-François Parent, urbaniste, a participé de 1966 à 1989 à l’aménagement de Grenoble et de son agglomération. Il rapporte, dans son ouvrage co-écrit avec Jean-Louis SCHWARTZBROD qu’en 1965, la Ville était faiblement endettée, la pression fiscale moyenne, avec un fonds de roulement largement approvisionné. Les conditions d’emprunts étaient favorables. En francs constants, de 1964 à 1967 les dépenses d’investissement vont être multipliées par 4,5 et financées par un recours massif à l’emprunt. Entre 1965 et 68, intervient donc une hausse brutale de la fiscalité directe, elle est multipliée par 2,4 ! Ce qui veut simplement dire qu’un foyer qui payait l’équivalent de 100 € de taxe d’habitation a vu celle-ci passer à 240 € en à peine 3 ans ! Et l’Etat avait à l’époque fortement subventionné l’opération, ce qui ne sera plus le cas à l’avenir.

La situation financière de la Ville n’est plus du tout la même qu’en 1965 puisque, au 31 décembre 2007 (source Ministère des Finances), nous sommes :
- à un niveau de dette par habitant très élevé
- à un niveau d’impôts locaux lourd, largement supérieur à la moyenne
- et à une capacité de désendettement de plus de 10 ans
- … tout cela, avec une capacité d’autofinancement très faible.

Pour notre part, nous ne croyons pas un instant que la Ville puisse organiser ces Jeux sans en supporter une partie non négligeable du coût.

Le Maire s’est engagé à ne pas augmenter la dette et même à la réduire. En conséquence, toute augmentation d’investissement devra être financée par une forte augmentation de l’épargne de gestion donc des impôts. Mais, comme le Maire a aussi promis de ne pas augmenter les impôts, cela signifie que si cette majorité appliquait réellement ses promesses elle ne pourrait pas payer les Jeux Olympiques. Alors pourquoi faire croire le contraire ?

Avant toute décision de principe, il aurait fallu faire une simulation financière précise et sincère afin que chacun comprenne exactement où va aller la Ville de Grenoble avec cette candidature. Il aurait aussi fallu demander l’avis des habitants : sont-ils prêts à accepter une forte augmentation des impôts pour organiser les Jeux Olympiques ? Nous ne le pensons pas et nous ne sommes pas d’accord avec cette perspective. La vie est dure pour beaucoup, ne la rendons pas encore plus dure, la politique gouvernementale s’en charge déjà.

Je vous remercie.


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